mercredi 26 mai 2010

Lost : Il était une fois, sur une île (presque) déserte.

[Attention spoiler]



On a tous grandi avec Lost. Que ce soit à travers les conversations de nos amis ou le petit écran. Ça a donné envie à certains de se lancer dans le monde des séries et à d'autres de découvrir toutes les mythologies du monde. Ça nous a inspiré des aventures sans fin et ça a fini même par s'incruster dans nos rêves.
Elle était belle l'époque où le samedi soir on préférait regarder Lost sur TF1 au lieu de sortir avec les amis. Et il y a ceux qui ne pouvaient pas attendre alors ils se procuraient la version américaine. Les poils se hérissaient et les yeux savouraient :

"Previously on Lost"

On avait tous un petit air de chanson qui trainait au coin de notre tête : You All Everybody des Driveshaft et on était tenté de jouer les chiffres "maudits" au loto du coin. On allait sur le site de Oceanic Airlines pour trouver déjà des réponses à nos questions et on ne ratait pas un seul web épisode.
Pendant ce temps là, diffusée dans 120 pays du monde, la fièvre Lost gagnait la terre entière et les critiques étaient unanimes : Lost allait révolutionner le monde des séries.

En 2004, le vol 815 d'Oceanic Airlines se crash sur une île déserte. Presque 50 rescapés doivent apprendre à vivre au quotidien dans cet environnement hostile et assez étrange où une fumée noire semble anéantir les rescapés. Un ours polaire apparait et bientôt d'autres habitants de l'île veulent mener des expériences sur les survivants. Et si les secours n'arrivaient jamais?

D'épisodes en épisodes, l'histoire devient de plus en plus intrigante frôlant la science fiction et le fantastique. Les interviews se multiplient pour l'équipe de tournage et les recherches s'intensifient du côté des fans.

J.J Abrams, connu au cinéma pour Mission Impossible et producteur de Cloverfield, affirme certainement avec Lost (après Alias) sa place au sein du monde du visuel. Accompagné dans l'écriture par Jeffrey Lieber et plus tard par Damon Lindelof, il abandonnera pourtant trop tôt l'aventure. Les scénaristes semblent eux mêmes devenir des "losties" sans leur mentor et quelques saisons plus tard, on perd vite les pédales. Et pourtant, en bons fans, on espère.

"Avez vous la moindre idée de là où je vous amène ?"

L'espoir c'est aussi ce qui fait vivre les personnages sur l'île. Car on ne tarde pas à comprendre que c'est bien elle le personnage principal. Elle qui commande qui doit venir et qui doit mourir. Elle encore qui abrite cette source. La source de la vie et de la mort qu'il faut protéger.
Alors, reprenons. "Previoulsy on Lost" :

Lost, c'est l'histoire d'une île qui abrite un petit meurtre en famille. Deux enfants échouent sur l'île avec leur mère. Cette dernière est tuée par une femme qui les adopte. Plus tard, elle leur dira qu'elle est la gardienne de l'île et qu'il faudra bientôt un successeur. Jacob et son frère grandissent. Le premier ne se pose pas beaucoup de question tandis que le deuxième veut quitter l'île, voir ce qu'il y a derrière. A cause de son ambition, sa mère, un peu folle qui considère l'homme comme le mal absolu, finira par le laisser pour mort. Il la tuera par la suite et Jacob découvrant le cadavre de sa mère adoptive, tuera son frère en le jetant dans la source. Son esprit de vengeance, aidé par la source, le transformera en ce que les "losties" appellent "le monstre" ou "la fumée noire" (Smokey).
En 2004, Jacob, se faisant vieux dans sa lutte contre la fumée cherche donc un successeur. Les candidats du crash de l'Oceanic Airlines sont arrivés à temps. Smokey joue avec ces derniers, cherchant lui-même un candidat pour satisfaire son ambition de jadis : quitter l'île.

Et il faudra un épisode aux scénaristes (seulement un seul le 616, What they die for) pour nous raconter tout ça. Quant aux autres questions, celles que tout le monde s'est posé pendant toutes ces années, celles là même qui alimentaient toutes les rumeurs, qui nous faisaient rêver, voyager et frémir ne trouveront malheureusement et pour jamais, aucune réponse.




" “Lost” ended tonight, and with it the hopes and dreams of millions of people who thought it might finally get good again. "
Max Read dans Gawker.

Ce qu'il faudra retenir de Lost, nous dira-t-on, c'est cette relation humaine entre les personnages. Il n'y a pas de bons comme il n'y a pas de méchants. Tous êtres humains, oui oui, même Smokey. Lost aura réussi à aller au delà des clichés : Sayid n'est pas l'arabe qui a fait exploser l'avion, Sun n'est pas la femme asiatique soumise à son mari Jin, Kate n'a pas tué son beau père pour le plaisir du crime, Hurley n'est pas un homme riche et comblé, Locke n'est pas l'homme courageux qu'il voudrait tant nous faire croire, Jack n'est pas si heureux que ça en sauvant des vies, Sawyer n'est pas qu'un bad boy aux répliques foudroyantes, Ben n'est pas l'ennemi, Richard n'est pas celui qui sait tout, Jacob n'est pas tout blanc et Smokey n'est pas tout noir.
Une fois la morale passée et comprise, il reste les mystères. Parce que si c'est pour discuter du bien et du mal, autant regarder Star Wars une énième fois, Hurley en a si bien fait la publicité.
Et en parlant de publicité, il y'en a eu quarante cinq minutes pour le dernier épisode de Lost à 900 000 dollars les trente secondes. Autant nous dire tout de suite que Lost était devenu affaire d'argent pour ABC avec quelques douze millions de spectateurs aux Etats Unis.
"Lost a pris fin ce soir emportant les espoirs et les rêves de millions de personnes qui voulaient croire que ça pouvait encore donner quelque chose de bon."
Parce qu'en fait, Lost, de notre côté, ça faisait longtemps qu'on espérait plus vraiment. En parcourant les forums et en parlant avec nos amis, nous nous en rendions peu à peu compte. La saison 4 battait déjà de l'aile quand après tant d'effort pour en sortir, "ils" ont tous décidé de retourner sur l'île. Il faut sauver ceux qui y sont restés la dernière fois, nous dit-on.
Quelques flopée de morts plus tard, tout le monde veut revenir au monde moderne. Fin de la saison 3, c'était la même ambition. C'est l'histoire du serpent qui se mord la queue.

Et pourquoi?

"Pourquoi ?"

A ce qu'il paraît, on ne pose pas les bonnes questions. Ce n'est pas ça l'essentiel, nous disent les scénaristes à travers la bouche de Smokey qui lui même toute sa vie s'est demandé pourquoi.
Pour rien du tout. Ou plutôt parce que même les scénaristes ne savent plus quoi nous raconter. Ne savent plus quoi nous expliquer. A vouloir trop en faire sans jamais eux mêmes revenir sur le show qu'ils présentaient, ils se sont perdus.
Alors, la réalité X ou réalité alternative est là pour sauver la mise. Et en y réfléchissant, il n'y avait pas vraiment d'autres moyens pour se sortir du mauvais rêve qu'était devenu Lost. Il fallait inventer un monde où tout le monde paraît uni et heureux. Sans problèmes particuliers. Ce monde en fait, c'est le monde que découvre Jack après sa mort et sa courte nomination en tant que protecteur de l'île. Parce que oui, il meurt. Mais tout le monde finit par mourir nous dit Christian Shepard, le père de Jack.

"This is the place that you all made together so that you could find one another."
Christian Shepard

En fait, dans Lost, tout le monde meurt à la fin. C'est un peu l'histoire de la vie. Un beau détournement d'attention quand on pense que pendant six ans on nous a (bien) fait comprendre que, comme je l'ai dit précédemment, le personnage central est l'île. N'essayez pas de chercher une réponse à toutes vos questions. Quand les cinq dernières minutes arrivent, on devine qu'il n'y en aura plus. C'est le dernier au revoir aux personnages. Il aura fallu un purgatoire pour tous les réunir, un concert de Driveshaft, un Desmond plus lucide que jamais et un père Shepard en maitre de cérémonie. Les couples sont enfin réunis. Tout le monde est là. Sauf ceux qu'on n'a pas invité au casting du final. Walt en fera partie avec tous les mystères autours de ses nombreux pouvoirs. On pousse la porte, la lumière se fait vers un autre monde.
"Où allons-nous ?" demande Jack à son père.
"Allons donc voir." lui répond-t-il un large sourire aux lèvres.
L'oeil de Jack s'éteint sur l'île alors qu'il voit dans le ciel Kate, Sawyer, Desmond, Richard et Lapidus quittent l'île à tout jamais à bord de l'avion d'Ajira . On ne nous avait pas dit que l'histoire se déroulait du point de vue de Jack...
On a alors le droit de se demander s'il a rêvé le purgatoire ou si celui ci est bien réel.
Et s'il avait rêvé l'aventure Lost?

On a tous grandi avec Lost. On en a peut être trop espéré. On l'a peut être trop rêvé, nous aussi. Et la chute fait mal.




A.B.A

9 commentaires:

Philippe S. a dit…

Sublime critique. Bravo. Tout est dit. je n'ai même pas envie d'ajouter quoi que ce soit, sinon que Lost était une série de mystères, soutenue par des personnages, et qu'aux derniers moments, les scénaristes ont voulu nous faire croire l'inverse. Shame on them.

Martin R a dit…

1- Tout était prévu : Lard ou cochon ?

Il est totalement officiel, je vous laisse retrouver les sources (bonus DVD et featurettes chez TF1 Vidéo) que le canevas d'ensemble de la série n'a jamais été écris pendant le pilote mais que les directions possibles étaient dessinées en première saison et le "final" prévu à partir du moment où le nombre d'épisodes/saisons a été fixé.
Une preuve concrète que le plan final sur l'œil de Jack qui se ferme n'était pas prévu dès le pilote de la série : vous souvenez-vous le pilote du 815 retrouvé dans sa cabine par Jack et Kate ? Celui qui se fait happer et tuer par Smokey ? Et bien jusqu'au dernier moment et tests faits ce devait être Jack qui succombait afin de surprendre tout le monde et montrer que "cette série saurait vous surprendre à tout moment". Voilà pour l'anecdote.
Pour résumer : tout était prévu : non : un canevas global a été dessiné en cours de saison 2-3 ; un canevas de saison est rédigé avant le lancement en prod, et enfin en cours de diffusion, les équipes de scénaristes développent le scénario de chaque épisode. Donc oui beaucoup de choses étaient globalement prévues, d'autres choses étaient volontairement sujettes à variabilité. C'ets une manière intelligente de travailler et je ne vois pas du tout l'arnaque là-dedans : ce n'est ni de l'impro ni du travail préparé et inscrit dans le marbre depuis 8 ans (préprod) mais un travail d'écriture avec des marges de manœuvres savamment étudiées et maîtrisées au cours de toutes ces saisons.

Martin R a dit…

2- Science I miss you so much

Il est rigolo d'entendre "Lost était une série basée sur des mystères scientifiques", de même qu'il est rigolo d'entendre "c'est une série sur des personnages". Il va falloir essayer d'être concret : qu'a-t-on vu exactement ? Nous sommes d'accord que "Justice" qui utilise des croix chrétiennes de 10mètres de haut en concert ou comme seul élément graphique de leur campagne promo ne sont pas un groupe de christian-électro. Pourquoi voudrait-on donc que parce que Lost, qui met en image des poches magnétiques et des équations de chevelu sur un tableau,soit une série "scientifique" ou même qui parle de science ?
En réalité, La série reprend des éléments de notre culture (geek ?) : pop culture (barres de céréales, logos récurrents, références de Hurley), icônes pop, matériel scientifique, mystique, pseudo-historique... Et c'est le jeu de mise en relation de ces icônes qui fait non pas sens premier mais qui dégage chez le spectateur des mécanismes intellectuels et émotionnels complexes et modernes.


Et pour les nostalgiques de Faraday et autre Loop theory

http://www.symphonyofscience.com
(vous le sentez le pop scientifique ?)

Martin R a dit…

3- Le trou du Gogol / fractales / Vincent quantique ?

Ce qui s'est passé sur l'île : fake or not ? Encore une fois, sans interpréter et en reprenant concrètement les éléments visuels et sonores reçus. Ce qu'il reste de l'ensemble de la série au vu des ces informations : impossible de dire avec certitude si : Jack est mort dans le crash et délire, s'il est mort après son sacrifice et qu'il meurt à son point physique de départ, s'il meurt et que la réalité x existe, s'il meurt et que la réalité X est un délire.
Vous connaissez le principe du chat quantique (celui qu'on met dans une boite avec un piège mortel) : l'observateur ne peut pas déterminer l'état du chat (mort ou vivant) et le chat devient donc mort ET vivant : les deux états sont vrais en même temps. Ainsi donc, sur le même principe, l'île n'est pas ceci ou cela, elle est l'ensemble de ces interprétations + l'objet d'une série télévisée. L'île au milieu de l'océan, la pupille au milieu de l'œil. Problème de montage : est-ce l'œil qui est sur l'île ou l'île qui est dans l'œil ? Baroque je vous le dit les amis : I looked into the eye of the Island, and what I saw, was beautiful !
Quand le sage montre la Lune, le fou regarde le doigt, c'ets pas très grave en soit mais ne pensez pas non plus l'avoir dans le cul...

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Benbibop a dit…

Hum... Personnellement je ne regarde plus depuis longtemps puisque j'avais pressenti une entourloupe. Et pourquoi perdre mon temps quand il y a milles autres choses qui méritent d'être faites, hein ... C'est tout le problème des américains de chercher l'efficacité avant tout et là, le fait est que le scénario a fini par tourner sur un centre vide de plus en plus prégnant. En même temps c'est de plus efficace, puisque la tension monte pour savoir la fin. Mais le risque d'un flop final augmente en parallèle. Et boum, cassé le beau jouet.
Je n'ai donc pas été très scrupuleux à lire votre article pour les spoilers, puisque je n'avais de toute façon pas l'intention de regarder la série jusqu'au bout. Merci de votre anlalyse, quoi qu'il en soit.
Bien à vous...

V@lmito a dit…

Excellent papier, découvert sur le blog de Pierre Serisier. Du coup je découvre ce blog qui m'a l'air bien sympathique et passionnant.

Anonyme a dit…

bien écrit cette critique mais tres terre à terre, et vous pouvez encore la creuser ! ! !

Anonyme a dit…

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