mardi 16 février 2010

Dossier : Des séries françaises - Partie I

I - C'est dans les vieux pots...

Le spectateur français à la fâcheuse tendance d'aimer les vieux. Ainsi, il ne veut pas qu'on réforme les retraites et est le seul pays au monde à fêter les grand mères (!). Et cela se remarque aussi en regardant son programme TV.
Combien d'entre nous n'ont pas vu au moins une fois une rediffusion de Maigret, du Commissaire Moulin ou de l'Instit ?
Bon, nos lecteurs les plus jeunes rechigneront peut être et nous expliqueront qu'il n'a guère entendu de plus de Navarro que des paroles décousues de sa grand mère. Une légende urbaine, peut être ? Un Indien ? Un guitariste ? (hi hi hi)

Cependant, cela ne change pas beaucoup à l'affaire car la nouvelle vague qui est apparue par la suite (parce que quand l'acteur principale marche que difficilement sans déambulateur, on peut plus faire grand chose) a toujours été bâtie sur le même schéma narratif que leurs ainés, chose qui a toujours cours aujourd'hui. Donc, si vous voulez créer une série bien franchouillarde comme on a le secret en France (les Américains nous supplient mais on tient bon !), prenez note, je vais pas le répéter deux fois (vous aussi au fond !).
Vous avez à ce niveau deux possibilités :


A) La série policière

Alors là, vous oubliez tout de suite Les Experts et autres NCIS, on déconne pas nous. A la poubelle, les lunettes de soleil à la Horatio Caine, ici ce sont de véritables lunettes, avec, si possible, monture en écaille. Et que cela ne soit pas un élément scénaristique à la Heroes, n'est-ce-pas ? Juste des lunettes.

Bon alors, vous trouvez un acteur sachant plus ou moins jouer (commencez pas, j'ai pas dit "bien jouer", d'accord ?) incarnant un commissaire irréprochable. Ensuite vous nous mettez quelques femmes dures de caractères (elles peuvent être aussi la commissaire, voir Julie Lescaut, c'est classe, ça fait jeune), un coéquipier assez proche (pas d'histoire de sexe ici, du moins pour le moment), des sous fifres plus ou moins doués, plus ou moins drôles (réservez un personnage au moins consacré entièrement à ce rôle, avec une belle tête de looser, si possible) et, si vous vous sentez prêt, un personnage un peu marginal, un loup solitaire (ça excitera les ménagères). Ajoutez un personnage issu des minorités, cela vous aidera pour plus tard.
Les enquêtes doivent toujours être résolues dans le même épisode, maximum dans deux, on va pas commencer à se prendre la tête avec des histoires sur plusieurs épisodes, on est pas dans Lost. Blessez un personnage disons tous les cinq épisodes, mais ne le tuez jamais (sauf si l'acteur veut partir ou s'il demande un salaire trop élevé), ça donnera un peu de tension. Dans le cas où vous avez du tuer un personnage, ne paniquez pas, faites cinq minutes de deuil et passez à autre chose, un nouveau personnage par exemple. Les enquêtes ne doivent jamais être "glauques", oubliez donc les séries de Dick Wolf (aucun jeu de mot) ou The Shield. L'extrême limite ayant déjà été atteinte par La Crim', c'est dire. Essayez aussi d'éviter les coups de feu un maximum (faut pas qu'un plus de 70 ans nous claque dans les doigts). Inventez des histoires de tags ou de vols, surtout avec des jeunes. Évitez un maximum les histoires de minorité, sinon donnez un rôle conséquent au votre.
Pour la musique on s'en fout, du moment que ça reste (genre l'intro de P.J. et son p'tit accordéon).

N.B. : soyez un peu original, votre commissaire pourra donc faire partie de la "brigade spéciale des trains et frontières" (Quai numéro un, avec, quand même, Olivier Marchal, comme quoi ils tournent pas tous bien), faire équipe avec un membre de la justice (Femmes de loi), etc. On a même vu des grosses blagues marcher (Bernard Tapie dans le rôle du Commissaire Valence, faut oser), alors lâchez vous !


B) La série familiale

Les êtres extrêmement sensibles, voire trop, sont les bienvenus dans cette section. N'hésitez pas à faire péter les mouchoirs, on s'occupera de la pub pour Kleenex.
Il vous faut trouver un personnage d'une bonté absolue, tellement bon que Mère Térésa aurait eu honte. Vous avez un large choix, le médecin étant très prisé (Docteur Sylvestre, Fabien Cosma), mais il y a aussi l'instit, le brocanteur (Louis la Brocante) ou même l'ange (Joséphine, ange gardien), si vous voulez. Il faut toujours un acteur mauvais (facultatif mais de toute façons, vous aurez rarement le choix) qui incarne une victime à deux doigts du malheur, de la faillite ou du suicide ou une bonne âme à racheter (un gosse qui vole pour subvenir au besoin de sa famille par exemple). Si vous n'avez plus d'imagination, plongez vous dans La Petite Maison dans la Prairie.

Vous pouvez aussi créer toute une communauté, à laquelle les pires mésaventures imaginables mais la solidarité et l'amour seront toujours plus fort que tout : Sous le soleil, Une famille formidable, Plus belle la vie... Tout un programme. C'est ici une bonne occasion pour parler des titres, les créateurs de PBLV ayant hésité à choisir Cinquante glands à Marseille... Attention à la faute de goût ! Toujours, toujours choisir un titre qui évoque la joie, le soleil et ne rappelant jamais le téléspectateur. Si manque d'inspiration, retour à La Petite Maison.
Plus belle la vie est en outre un magnifique exemple. En effet, mélangeant un peu tous les stéréotypes de la série familiale et de la série policière française, il est de bon ton de l'appeler "chef d'oeuvre de la télévision française" (à louer le fait qu'elle est la seule à entretenir un suspense de fin d'épisode du même niveau que Lost et Prison Break réunies). Le niveau est très élevé.
Enfin, n'hésitez pas à montrer votre soutien aux communautés, que vous êtes tolérants et à cracher au visage de ces sales racistes, même si parfois cela frise le ridicule, le geste n'en sera que plus beau, à l'instar du refrain du générique de PBLV :

On est vraiment rien sans elle

Qu’on soit noir ou blanc

Si on tend la main pour elle

La vie est plus belle.

A lire deux fois pour bien saisir l'énormité. Quelques pistes : Qui est le "elle" en question ? Que cela engendre-t-il ? Comment va réagir Jean Luc ? Va t il épouser Eva ou fuir avec ses 135 millions d'euros ?

A suivre...

Pour cette première partie, l'auteur tient à remercier :
* sa mère et sa grand mère pour lui avoir fait découvrir la beauté d'une série télévisée française et les méandres de son scénario.
* Monsieur Joël Ganault, philosophe professeur et sérivore, pour nous avoir ô combien éclairé sur ce générique. Ma vie ne sera plus jamais la même. Je vous aime.
*S.M.*

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