lundi 18 janvier 2010

Incassable : inclassable.


Depuis son plus jeune âge, Elijah Price, atteint de la "maladie des os de verre", l'ostéogenèse imparfaite, se réfugie dans les comics, ce qui deviendra une véritable passion. Lorsqu'il découvre que David Dunn, gardien de stade, marié (mais sur la voie du divorce) et père d'un enfant, est l'unique survivant d'un grave accident de train (131 morts tout de même), et ce, littéralement sans égratignure, il émet la théorie qu'il pourrait être son exact opposé : un homme invincible, une sorte de super-héros. Le prenant d'abord pour un illuminé, David découvre peu à peu qu'Elijah n'aurait peut être pas tout à fait tort.

Un an à peine après son film au succès mondial Sixième Sens, M. Night Shyamalan se lance dans un sujet qui l'a toujours passionné et faisant partie intégrante de la culture populaire américaine : le mythologie super-héroïque. En 2000, le film de super-héros est mort et enterré depuis les méfaits de Joel Schumacher sur la saga Batman - on ne sait au juste si, avec Batman & Robin, il a tenté de faire un hommage raté à la série des années 60, de réaliser un hymne à la culture gay ou de tout simplement ruiner la franchise - et seul Bryan Singer et la Fox y croit encore et commence à tourner leur X-Men. De son côté, Shyamalan donc tente redonner ses lettres de noblesse au comics au cinéma, se rapprochant d'un Frank Miller.

La grande force de Shyamalan dans ce film, au contraire des sagas Marvel ou DC - jusqu'au Dark Knight de Nolan - a été de destiner un film de super-héros non pas à des enfants mais à des adultes. Ici pas d'explosions, de super vitesse ou de combats titanesque. Le seul combat qu'on aura verra Buce Willis (rappelant qu'il sait aussi jouer des rôles dramatiques) affrontant un tueur, détruisant au passage un ou deux murs en contreplaqué. A côté de la scène d'ouverture de X-Men 2, on se pourrait se demander si c'est réellement un film de super-héros. Mais si l'intérêt ne se porte pas sur le côté puéril et régressif des comics, c'est que Shyamalan s'attarde plus sur les tourments des deux personnages principaux (le divorce, l'handicap, l'obsession), méthode déjà à l'oeuvre dans Sixième sens. Ainsi, Samuel L. Jackson joue à la perfection son personnage d'être solitaire, tellement abattu, écrasé par le regard des autres, qu'il en devient (on l'apprendra à la fin, donc attention spoiler) schizophrène et ne vit que pour trouver son ennemi, sûr qu'il découlera de cette lutte un sens à sa vie. La scène de dénouement et de la divulgation, séquence ô combien attendue depuis Sixième Sens, même si elle peut ne pas autant surprendre que son prédécesseur (les critiques de l'époque disaient être déçus), semble être présente plus par un soucis de finir le film sur un suspens (cependant maitrisé) qu'une volonté propre du réalisateur. Ce n'est pas cette recherche qui semble intéresser le réalisateur.

C'est dans la réalisation que Shyamalan semble désirer s'épanouir, marquée par exemple par de nombreux plans séquences magnifiques, à l'instar de la scène du train, la caméra (et ainsi le spectateur incarné ici par une petite fille) essayant de glisser un regard entre deux sièges sur ce spectacle apparemment simpliste, une fois de plus accentué sur les rapports humains plutôt que sur l'évènement en tant que tel.
Aussi, Shyamalan s'attarde sur le motif du miroir (la scène d'introduction, où le regard du spectateur se perd, le reflet d'Elijah dans une glace protégeant une comics mettant en scène une lutte super héroïque) avec tout ce qu'il représente : le dédoublement, l'inverseur de vérité, les os d'Elijah, fragiles comme du verre...
En outre, le film s'interroge remarquablement sur la signification des couleurs. Les flashs de Dunn, par exemple, sont en noir et blanc et seul la couleur des vêtements des malfaiteurs sont en couleurs (jaune, rouge), de plus en plus vive au fur et à mesure qu'il apprend à les maitriser, et les deux personnages antagonistes, sur le principe des comics, possèdent leur couleur propre (violet pour Elijah, vert pour David). Mais, de ce côté, le caractère le plus fouillé est peut être cette atmosphère bleutée et lugubre, pouvant faire penser à un étrange reflet de l'eau ou à un effet glacé, comme les pages d'une bande dessinée.


En résumé : M. Night Shyamalan, épaulé par les excellents Bruce Willis et Samuel L. Jackson, parvient à redonner ses lettres de noblesse au comics en l'intégrant complètement à la réalité et en ne tombant pas dans le danger du film puéril et régressif.
****
" They called me Mr. Glass. "
Elijah Price (Samuel L. Jackson)
*S.M.*

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