lundi 15 février 2010

A Serious Man : Why so serious ?


Le cinéma des frères Coen des années 2000 est marqué par un bilan mitigé, à l'instar de leurs trois derniers films : un film commercial et/ou raté (Ladykillers, 2004), un chef d'oeuvre (No Country for Old Men, 2007 - 2 Golden Globes, 4 Oscars) et un film divisant les fans et la presse (Burn After Reading, 2008). C'est donc peu dire que ce Serious Man était attendu au tournant.

Après un prologue au sujet d'un dybbuk dans un pays d'Europe de l'Est anonyme (on comprend alors que les Coen vont nous surprendre - cf. l'apothéose de la séquence finale), nous faisons la connaissance de Larry Gopnik, professeur de physique à l'Université de Minneapolis, archétype du héros coenien et dépressif. Et il faut le comprendre : sa femme veut divorcer au plus vite et sans bavure pour se remarier avec une de leurs connaissances, ses enfants ne relèvent même pas la crise et ne pensent qu'aux Jefferson Airplanes ou à se refaire le nez, son frère ainé, dont l'état de santé se dégrade dangereusement, ne semble jamais vouloir quitter le cocon familial, un étudiant asiatique le pousse à accepter un pot de vin en échange d'une meilleure note... Bref, les malheurs s'accumulent à la porte de ce cher Larry qui se décident à consulter plusieurs rabbins qui s'avéreront tous plus incapables les uns que les autres.

Un univers délirant donc, bien reconnaissable des frangins, où ceux-ci poursuivent leur réflexion philosophique de prédilection, soit "Comment un homme simple, ordinaire, "sérieux", peut perdre le contrôle de la situation et frôler la folie". Ce "culte" du malheur, présent dans la presque totalité de leur filmographie, de Sang pour Sang à No Country en passant par The Big Lebowski, est pour la première fois lié à une certaine autobiographie. En effet, le Middlewest des années 60 et la communauté juive y sont dépeints avec beaucoup de précision, nous faisant profiter d'une immersion totale à travers une foule de détails (les termes hébraïques - hermétiques mais facultatifs -, la Bar Mitzvah, le bureau du dernier rabbin, la banlieue 60s) et d'une photographie rappelant certains magazines de l'époque (Roger Deakins).
Accompagnée d'une bande originale à la fois mystérieuse et lourde (Carter Burwell, se surpassant) et de petites envolées rock (Jefferson Airplane), la réalisation nous démontre une fois de plus le brio des frérots pour les atmosphères tendue (les longs travellings), la perte de prise sur les évènements et enfin, la folie (les rêves et surtout la somptueuse séquence du toit). Les Coen prennent même le luxe de s'aventurer sur la route de l'hommage au muet avec de nombreux plans sur leurs personnages grimaçants et plus pathétiques les uns que les autres, mais toujours touchés d'une immense tendresse (on a parfois l'impression que même les créateurs ne désirent pas leur malheur).
Aussi, les acteurs, inconnus du grand public (à l'inverse de BAR), sont pour la plupart tout simplement parfaits (mention particulière à l'acteur principal, Michael Stuhlbarg), leur jeu n'étant pas pour rien dans cette tension perpétuelle et cette douce schizophrénie.
Notons enfin que le rythme, déjà pointé du doigt par certains spectateurs, rappelant les classiques des Coen que sont Barton Fink ou Fargo, l'écriture exemplaire et l'humour noir-juif, glacial, peut rebuter le spectateur s'attendant à un nouveau Burn After Reading.


En résumé : Les frères Coen, brillants philosophes du malheur, nous entrainent dans la descente aux enfers de leur pathétique personnage dans une Amérique des années 60 avec un humour juif, glacial et délicieusement sombre, nous offrant peut être leur chef d'oeuvre.
****
" The Uncertaintly Principle. It proves we cant ever really know... what's going on. "
Larry Gopnik (Michael Stuhlbarg)
*S.M.*

1 commentaire:

Flow a dit…

Je ne l'ai pas encore vu mais étant grand fan des Cohen...
Si c'est un retour aux sources, il va me plaire plutôt que les derniers...
En tout cas, critique claire et concise, bontravail.