The Big Shave 1967 - Martin.Scorsese
envoyé par alsk59.
Premier court métrage en couleur du futur grand Martin Scorsese, The Big Shave met en scène un homme blanc vêtu d'un t-shirt blanc dans une salle blanche se rasant jusqu'au sang.
Derrière ce scénario on ne peut plus simpliste, ce court métrage de 1967 cache, selon le propre aveu de Scorsese, un réquisitoire contre la guerre du Viêt-Nam, avec un petit quelque chose de dépression :
Consciemment, c'était un hurlement de colère contre la guerre. Mais en réalité il y avait quelque chose en moi qui n'avait rien à voir avec la guerre. C'était juste une très mauvaise période. (1)En effet, en 67, la bourbier Vietnamien est à son apogée et de nombreux étudiants manifestent dans tout le pays contre cette boucherie. Marty, 25 ans, récemment diplômé de la New York University, fait écho à ces révoltes à travers ce jeune homme qui se mutile, sans aucune raison et aussi machinal qu'un pantin, dans un univers aseptisé, ne s'apercevant pas de l'horreur.
Mais ce juste pamphlet ne doit pas cacher la maitrise technique de Scorsese, en particulier pour le découpage, le rythme et la virulence du propos.
Entrainée par la musique jazzy de Bunny Berigan, la caméra évolue dans l'espace clos et se pose sur différents objets de la vie quotidienne, comme sorti d'une exposition de Duchamp. Scorsese s'amuse ensuite à trancher dans le rythme de son court en hésitant pas à jouer avec sa table de montage : "faux" raccords, jeu avec les axes et avec le cadre... Autant d'expérimentations qui résonnent avec le travail de la Nouvelle Vague, née 10 ans plus tôt. Cette découpe brutale semble d'abord avoir pour but d'ironiser sur la mise en scène lorsque le jeune homme enlève son t-shirt puis d'insister, de souligner son propos lorsqu'il finit par s'égorger.
La musique, toujours aussi importante chez Scorsese, joue sur la déstabilisation du spectateur. Claironnante et enjouée, I Can't Get Started, chanson de la Seconde Guerre Mondiale, exprime le voyage (on comprend bien la parallèle), tandis que les images, en rythme, se suivent. Mais, comme le dit Alexandre Tylski, "la musique est presque silencieuse [lors du geste final] alors qu'on aurait pu s'attendre à une explosion musicale. L'effroi du spectateur en est d'autant plus saisissant" (2).
Le court finit alors dans une apothéose sanglante, où le rouge inonde littéralement l'écran dans une parodie de la paranoïa anticommuniste de l'époque.
Sources
(1) David Thompson et Ian Christie, Scorsese on Scorsese, Faber and Faber, Londres, 1989.
(2) "Le Cinéma Saigné", Alexandre Tylski, Cadrage 2001.
*S.M.*
1 commentaire:
Herman Melville, auteur de Moby Dick, responsable de la "blancheur" du court metrage.
Tout est dit :)
Enregistrer un commentaire