vendredi 23 avril 2010

Hayao Miyazaki, le Maître du Haut Château.


Hayao Miyazaki (1941, Tokyo) est un réalisateur japonais reconnu dans le monde entier (depuis peu en Occident) comme un maître de l'animation. A l'occasion de la fin du cycle offert par Arte, retour sur la carrière et l'oeuvre du Monsieur.

Carrière
Après un début d'animateur pour plusieurs studios et en parallèle d'une carrière de mangaka, le cinéaste fait ses preuves avec la réalisation des séries Lupin III (1972) et Conan, le fils du futur (1978).
C'est en 1979 qu'il débute au cinéma avec Lupin III, le Château de Cagliostro. Adapté de la série (il en est le deuxième long métrage), le film n'a que peu de ressemblances avec le reste de son oeuvre, dues à la pression de la production mais parvient cependant à y incorporer ses idées comme un certain hommage au film d'animation français Le Roi et l'Oiseau.
Ce n'est qu'en 1984 que le talent du cinéaste est pleinement exposé au monde. En effet, après plusieurs refus, il finit par obtenir les fonds pour l'adaptation de son manga (devenu best seller entre temps) intitulé Nausicaä de la vallée du vent. Le premier succès d'une longue série.
Cette réussite commerciale et critique lui permettra de fonder l'année suivante le Studio Ghibli en collaboration avec Isao Takahata, qui deviendra tout simplement un des studio les réputés du monde de l'animation.

Loin d'être prolifique, le studio préfère s'attarder sur la qualité plutôt que la quantité. Le Château dans le ciel, premier long métrage du studio, sort en été 1986. Deux ans après, c'est la consécration avec la sortie de Mon Voisin Totoro, qui deviendra immédiatement un classique au Japon. Le Studio adopte la créature éponyme comme mascotte, le générique sera repris dans les maternelles et tout le monde ne parlera que de Meï et Satsuki.
En 1989 sort Kiki la petite sorcière qui sera classé numéro un au box office japonais pour l'année. Trois ans plus tard, c'est les cochons qui sont à l'honneur avec la réalisation de Porco Rosso. C'est à cette époque que Disney s'intéresse au filon et signe avec le studio un accord pour la diffusion internationale. Ainsi, Princesse Mononoke, son prochain film, sortira dans le monde entier en 1997 et lancera la renommée de Miyazaki dans le monde entier.
Après une fausse annonce de retraite, il réalise en 2001 Le Voyage de Chihiro, récompensé par un Ours d'Or (le premier pour un film d'animation), un Oscar et 23 millions d'entrées dans son pays d'origine, surpassant Titanic. En 2004, il tourne Le Château Ambulant et, l'année suivante, Hayao Miyazaki reçoit un Lion d'Or pour l'ensemble de sa carrière à la Mostra de Venise. Sorti en 2008, son dernier long métrage (pour le moment ?), Ponyo sur la falaise, reçoit des critiques élogieuses des fans et des professionnels, soulignant sa réalisation exceptionnelle.


Oeuvre
L'oeuvre de Miyazaki est caractérisée par de nombreuses récurrences qui sont d'autant d'échos à la vie privée du cinéaste.
Plusieurs de ses films sont par exemple extrêmement influencés par la défaite du Japon lors de la Seconde Guerre Mondiale. La forteresse volante du Chateau dans le ciel, utilisée comme arme suprème de destruction massive n'est pas sans rappeler les bombes nucléaires ayant frappé Hiroshima et Nagazaki. De même que le monde post-apocalyptique de Nausicaä, avec ses insectes géants, sortes de version bestiole de Godzilla, peut être lui aussi lu à la lumière des effets de la bombe A, sans oublier les terribles guerriers géants initiateurs des "Sept jours de feu".
Le fait est que le jeune Hayao a grandi parmi les décombres (rappelons qu'il est né en 41), il a vu au plus près les résultats d'une guerre sans merci et sa personnalité fut grandement marquée.
Sa foi dans l'écologie et son rêve d'une réelle entente entre la nature et l'homme (Nausicaä, Mononoke), voire sans hommes du tout (Le Château dans le Ciel), semblent avoir non seulement un lien avec la guerre (l'homme destructeur) mais aussi avec les anciennes opinions marxistes de Miyazaki, son étude de l'industrie japonaise (sa thèse d'université) et, bien entendu, de son éducation shintoïste.

Découlant vraissemblablement du désastre de la guerre 39-45, Miyazaki dénonce la violence et la bêtise humaine avec beaucoup de justesse non pas, comme le studio Disney aime à le faire, en mettant en scène des personnages bêtes et méchants mais, à de rares exceptions près, en montrant le bon côté ses  "vilains" : ainsi, Dame Eboshi dans Princesse Mononoke apparait avide de pouvoir cependant Ashitaka (ainsi que le spectateur) découvre vite qu'elle pense avant tout au bonheur et à la survie de son peuple, des rejetés. Que ce soit Zeniba ou Yubaba (Le Voyage de Chihiro), les deux sorcières sont loin d'être toute blanche ou toute noire... Bref un univers non manichéen, qui trouve aussi ses origine dans le shintoïsme, montrant avant tout l'inutilité de la brutalité envers l'autre, cet autre qui nous ressemble.

Les personnages principaux de la plupart de ses films sont de jeunes enfants (à l'exception de Porco Rosso) ou, du moins, de jeunes adultes qui gardent une personnalité très infantile et naïve, à l'instar du sorcier Hauru (Le Château Ambulant). Outre l'évidence du parcours initiatique des enfants les poussant à devenir des adultes, il ne serait pas trop s'avancer que de parler d'un certain regard enfantin sur des sujets aussi difficiles que la guerre ou la maladie, regard qu'il a eu lui aussi. Ainsi Mon Voisin Totoro qui, sous couvert d'une histoire fantastique, ne raconte rien de plus que l'évasion imaginaire de deux petites filles à la suite d'une maladie frappant leur mère semble être son film le plus personnel et presque autobiographique puisque la mère de Miyazaki a du rester alité durant six années alors que le petit Hayao n'avait que six ans.

Miyazaki éprouve une fascination pour l'aviation que l'on retrouve pratiquement tout ses films sous diverses formes (hydravion, balais, château, dirigeable, dragon...) et qui a pour origine d'une part le métier de son père, directeur d'une entreprise en aéronautique, et de l'autre le fait que, dès qu'il s'est découvert une passion pour le dessin, il a réalisé de nombreux croquis d'avions.

Sa méthode de travail a évolué au fil du temps. A l'origine, lui et son équipe réalisaient tous les dessins à la main, comme toute animation traditionnelle. Mais depuis Princesse Mononoke, le studio Ghibli est parvenu à un bon mélange entre l'animation classique et une petite touche de travail à l'ordinateur, bien souvent pour respecter les délais. Depuis toujours, il s'est montré très pointilleux sur la qualité de ses films et s'y est beaucoup investi. Ainsi, il officie la plupart du temps en tant que réalisateur et scénariste et, quand il en avait la force (il avoue lui même "à cet âge, je ne peux plus faire le travail que je faisais"), il contrôlait tous les dessins de ses films. Pour Ponyo, il revient à une animation plus traditionnelle en travaillant sur des dessins au pastel et n'utilisant pas de CGI (images générées par ordinateur).
Enfin, notons que l'oeuvre de Miyazaki ne serait pas la même sans sa collaboration avec le compositeur Joe Hisaishi qui a signé la bande originale de tous ses films avec un talent exceptionnel.


La renommée de Hayao Miyazaki n'est plus à faire. Les professionnels sont dithyrambiques, les spectateurs, quels que soient leurs âges, sont émerveillés et les prix prestigieux ne sont jamais très loin. Mais vu l'âge du réalisateur et les sortie toujours plus espacées de ses films, les amateurs d'animation japonaise sont en droit de se demander si un autre réalisateur pourrait prendre la relève du Maître au sein du Studio Ghibli. Et ce n'est pas l'accueil mitigé des Contes de Terremer de Goro Miyazaki, son fils, qui pourrait les rassurer.

*S.M.*

1 commentaire:

Unknown a dit…

c'est un grand maître de l'imaginaire,il nous fait voyager dans le temps avec des personnages mystérieux et qui ont du caractère..